Épiciers

contre

duc de la Force

(1721-1728)

Il ne faudrait nullement imaginer les corporations limitées, dans leurs actions judiciaires, à un rayon professionnel étroit, composé des métiers concurrents directs. Les plaintes qu'elles déposent impliquent plusieurs types de particuliers empiétant sur leurs privilèges (armateurs, manufacturiers, munitionnaires, négociants étrangers), jusqu'à atteindre des sphères sociales très éloignées. Le procès que le corps des épiciers parisiens intente en 1721 contre le duc de la Force, à ce titre, s'inscrit dans une longue liste de litiges contre les nouveaux acteurs du commerce. Il atteint toutefois ici une dimension gigantesque et inédite.

Directeur du Conseil de commerce, le duc de la Force subit une accusation pour "crime de monopole" à la suite de la découverte d'un fonds de marchandises chinoises dans un couvent de la capitale. Couvert par plusieurs prêtes-noms (Landais armateur breton, Orient marchand mercier, Bernard secrétaire personnel du duc, Duparc demi-frère de ce dernier), ce commerce suscite une crainte populaire immense, du fait qu'il résonne avec la peur des "monopoles", des dépôts clandestins de marchandises alimentaires que les grands courtisans chercheraient alors à constituer. Le contexte est à l'effondrement du Système financier de Law en 1720. Or, le duc de la Force est connu pour avoir été le grand promoteur de ce Système auprès du Régent. Une suspicion générale entoure ainsi les Grands du Royaume, accusés de convertir leurs avoirs financiers, dévalués, en marchandises de toutes sortes. Et les corporations sont les premières à répercuter cette rumeur, et à recourir à la surveillance policière en vue de conjurer ce complot des "Mississipiens" ou "monopoleurs".

Procès des nouvelles formes de commerce, procès d'un système financier, ce procès du duc de la Force est aussi prétexte à un procès politique dépassant de loin les récriminations des épiciers. Le Parlement de Paris y voit l'occasion de réaffirmer ses prérogatives contre le Conseil du roi, contre la justice réservée du souverain. La corporation est instrumentalisée dans un monumental bras de fer entre deux des plus hauts pouvoirs de la monarchie. Aussi un tel rapport de force ne peut qu'aboutir à un compromis. Alors que tout le procès a été instruit au criminel, le jugement, de circonstance, se contente de légèrement blâmer le duc et ses co-accusés.

Le dossier présenté ici contient par conséquent une masse documentaire, abondante, produite dans le cadre de ce procès, dont les thèmes débordent du cadre corporatif tout en découlant des capacités effectives des corporations à soulever un débat public très vaste.

C'est pourquoi il est utile d'ajouter aux factums de ce procès un autre petit corpus de textes produits lors du rebond que connaîtra l'affaire, en 1728, alors que l'armateur breton incriminé en 1721 se retourne contre le nouveau duc de la Force (le précédent est mort en 1726), et continue de dévoiler au grand jour l'intensité des liens financiers qui unissent la haute aristocratie au monde du grand négoce, notamment sous la forme de compagnies de commerce par actions.

Épiciers

Armateurs landais

contre

contre

duc de la Force

duc de la Force

(1721-1723)

(1728)

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